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26 juillet 2013 5 26 /07 /juillet /2013 22:25

          Écrire quelque chose de ce fait rapporté par la presse, l'enterrement d'un clandestin anonyme trouvé mort dans la soute d'un avion en provenance du Cameroun.

          Un texte qui porterait différentes voix de personnages rassemblés autour du mort. Ce sont des témoignages, il n'y a pas d'histoire, plutôt des morceaux d'histoire(s) qui ouvrent plusieurs perspectives sur l'histoire de ce mort. Certains éléments sont des données avérées et objectives, mais comme on ignore beaucoup de choses sur ce mort, d'autres sont des fictions qui permettent de faire de ce destin individuel un destin collectif, tant d'immigrés tentent ainsi des parcours terribles à leurs risques et périls. La difficulté tient à la volonté de donner une vision de vie, d'énergie, d'espoir associée à ce mort.

          Le discours de chacune des voix est une proposition, il n'y a pas de dénonciation, pas de revendication (pas de discours de maîtrise), même dans la colère ou la douleur.

          J'aimerais préserver une dimension du conte, à travers le griot.

         Plusieurs personnes existent dans la réalité du fait (la Maire, le responsable des pompes funèbres, par exemple) et il faudra voir comment en faire des personnages. Je peux inventer plus librement le personnage du technicien de l'aéroport dont j'ai déjà écrit une partie du texte sous forme d'un premier jet.

         Le seul personnage qui se soit imposé pour le moment est celui d'une mère (une figure de la mère). Premier et seul en scène au début, qui lance un appel dans l'obscurité, un chant dans une langue africaine. Son texte, comme celui du griot, est d'ordre poétique, mais alors que le récit du conte est à la troisième personne, elle s'exprime à la 1ere personne, se charge de tous les affects qu'elle dit. Elle pourrait être le pilier de l'ensemble. Extrait :

Donnez-moi un sou, chacun de vous un sou pour que le mort revienne dans sa terre. Crachez-moi un sou pour qu'il ne souffre pas au pays des vivants maintenant qu'il est mort, un sou pour que les corbeaux ramènent son corps ici. J'ai préparé un linceul blanc. Je me tiens prête depuis l'aube. Postée au bord de la route. J'attends. Dans mon ventre, beaucoup d'enfants tressaillent. Je reste debout. La journée est longue. Dans les champs, je vois la poussière très rouge et les os brisés de ceux qui sont restés. Des sauterelles ont dévoré la chair tout autour de mon ventre où je retiens les vies de ceux qui espèrent.

J'ai crié quand tu es né, alors maintenant je crie.

Mon fils, les pulsations de mes flancs sont encore dans ton cœur, je le sens. Ce sont des éclairs de chaleur autour de toi. Elles t'envoient de la lumière dans le froid qui t'emplit. Écoute ma voix dans le grondement de tes oreilles. Je suis là, au croisement des horizons au ras du ciel où tu as cherché ta route. J'entends le roulement des avions. Ils clignotent entre les étoiles. Tu as cru que tu pouvais aller en avant du soleil. Les hommes ne peuvent pas marcher sur l'eau, ils ne peuvent pas voler. Je ne bouge plus. Mon attente est plus grande que ma patience, une pierre sur le chemin. Toute la peau tendue du ventre, un tambour, trépigne dans l'attente. Mon ventre est empli d'eau comme une outre pour ta gorge, mes bras sont les ailes qui te portent, mon cœur est une éponge bien rouge pour laver ton corps. Ainsi l'eau remonte du puits et le lait monte dans mes seins, je te tiens entre mes cuisses, dans mon sang, dans mon urine, c'est toi mon fils qui porte ta mère et je te nourris de ma peau.

 

Quand je t'ai enfanté, c'était le matin, le lever des étoiles, mes deux mains fermement autour de toi pour te saisir, te tirer hors de mon ventre. Je suis descendue dans mon cœur pour t'expulser comme l'eau qu'on va chercher au puits, je t'ai tenu, je t'ai nommé, tiré de la mer comme un poisson vivant parmi des milliers. Le soir est venu et tu n'es pas rentré. L'étoile est là-haut dans le ciel, chaque bête dans sa tanière, chaque grain de poussière dans les plis de la terre. Tu n'es pas rentré. Après la fin du jour, tu n'es pas rentré. Je guette tes pas.

Comment m'y prendre pour te chercher ? Qui n'irait chercher son fils jusque dans la mâchoire du crocodile ?

[...]

 

Vous croyez que je vais remercier pour sa miséricorde le Dieu miséricordieux qui a endormi mon enfant ?

Pourquoi claquez-vous des dents ? Vous avez froid aussi ? Je vais allumer du feu. La chaleur va nous faire du bien. Qu'est-ce qu'elle a la nuit à se fendre de douleur ? On ne voit rien la nuit. Nous sommes tous noirs ici.

Nous appelons notre jeunesse devant la face de Dieu, tous nos enfants devant Dieu. Sont-ils les péchés de la terre ? Il a effacé nos enfants de la surface de la terre, nos magnifiques enfants.

 

Quelque chose comme ça, mais je ne sais même pas comment les voix du texte seraient organisées, alignées l'une après l'autre ou entrecroisées...

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